3 milliards pour ne rien changer

Effarant, c’est le mot qui me vient à l’esprit quand j’ai découvert le plan prévu par le président de la FNSEA … pas vraiment le montant, puisque là, étant donné la crise en cours, il faut mettre les moyens nécessaires à mettre en oeuvre.

La surprise tient vraiment aux propositions par ce monsieur :

  • moderniser les bâtiments,
  • automatiser les abattoirs,
  • organiser les regroupements d’exploitations afin qu’elles soient plus productives
  • suspendre pendant un an les mesures environnementales

C’est la crise ! Nous n’arrivons plus à vendre nos porcs, industrialisons et concentrons encore davantage la filière.

Je ne parle même pas de sa position sur l’embargo russe, il semblerait qu’il estime injuste que l’agriculture soit pénalisée pour des raisons diplomatiques ! Quel que puisse être la position de tout un chacun sur cette question complexe, il ne s’agit pas de dire « ah oui, mais j’ai 30 000 porcs à fourguer … donc les soucis de frontières, c’est pas mon souci, il faut que je livre ma marchandise que ce soit Hryvnia ou en Rouble, peut m’importe ». Léger …

Au moment de la rédaction de ce billet d’humeur, je me suis aperçu, que la FNSEA avait pour ainsi dire obtenu gain de cause … la menace des  1 000 tracteurs sur les Champs Elysées a convaincu l’Etat de mettre la main à la poche … ou du moins d’effacer et de reporter certaines créances.

De plus, la France demandera donc à Bruxelles, la levée de l’embargo russe sur les produits agricoles européens, notamment sur le porc, des financements pour des mesures de stockage et d’intervention sur le porc et le lait, sur le prix du lait et sur l’étiquetage des viandes.

Bien revenons, à l’esprit de ce blog qui est de proposer d’autres voies.

Pourquoi ne pas s’attacher à valoriser les filières locales ? Pourquoi l’Etat ou les collectivités publiques ne s’engagent pas à acheter du porc produit localement ? Peut-être parce que la restauration collective est détenue par des grands groupes qui lors de leurs appels d’offres ne peuvent pas indiquer de provenance comme critère de sélection. Nous sommes arrivés à une déconnexion totale entre la production et le marché. Il serait indispensable de réintroduire/d’insister sur ce critère de la localisation de la production. Que les produits servis à nos bambins soient bios, cacher ou halal, voire même végétariens qu’importe, l’essentiel est ailleurs. Il ne s’agit pas de ne manger que les aliments produits dans un rayon de 200 km (locavores), il ne s’agit pas de tomber dans un autre extrémisme. Une proportion de produits locaux permettrait de reconnecter les acteurs avec le monde qui l’entoure. Le champ cultivé près du cimetière ne serait pas une simple réserve pour la zone commerciale mais l’endroit où sont cultivés les petits pois que l’on mange à la cantine. Attention, je ne souhaite pas tomber dans l’angélisme. Je connais la complexité du processus de fabrication et d’abattage de la viande, il faut un certain volume pour fonctionner et procéder à des contrôles alimentaires stricts. C’est là toute la difficulté de trouver un équilibre pour un système local.

En criant à cor et à cri « Acheter Français ! » et brûlant des cargaisons de porcs espagnols/allemands, on pourrait aussi s’interroger sur ces mêmes producteurs, qui oublient qu’ils achètent du Soja brésilien/argentin et  travaillent dans des tracteurs américians/ italiens.

Dans tous les gesticulations de ce complexe agro-industriel sont effarantes, c’est une course en avant … une fuite devrais-je dire… les menaces qu’ils brandissent font encore sacrément effet, c’est bien dommage qu’elles ne soient pas faites pour proposer un autre modèle pas uniquement axé sur l’exportation des produits à tout crin.

Chacun doit bien évidemment vivre de son travail, la situation de blocage d’aujourd’hui nécessite des moyens exceptionnels pour éviter des drames économiques et humains, mais c’est également l’occasion de repenser le modèle. Après le lait, l’élevage bovin et porcin, je ne serai pas surpris qu’on reparle dans quelques semaines de l’élevage des volailles … basées sur un modèle similaire à la filière porcine. Il est vrai que l’intérêt du poulet c’est que l’on peut l’exporter encore plus loin jusqu’au moyen orient mais là la concurrence devient mondiale et non plus européenne (Brésil par exemple).

Le problème vient également de là, de cette concentration par filière, chacun se braque sur son produit en oubliant ses liens avec son environnement !

Il est urgent de repenser ce modèle agricole, les collectivités territoriales ont sans doute une carte à jouer, dans un schéma où les leaders nationaux sont à des kilomètres des réalités du terrain et de ses impacts (économiques, environnementaux, humains, climatiques …). Les collectivités peuvent et doivent être pleinement conscientes de l’importance cruciale de l’agriculture dans notre quotidien que ce soit dans l’alimentation ou dans nos paysages. Elles doivent tout mettre en oeuvre pour épauler toutes les démarches qui contribuent à voir les acteurs locaux vivre de leur travail.